« Pour nous, le Dineh, le peuple, les Navajos, le commencement n'existe pas. Nous avons toujours été là, tel que nous sommes aujourd'hui. Nous avons toujours été là parce que le ciel et la terre ne s'entendaient pas. Dès qu'ils furent crées, la dispute éclata. Et ils se séparèrent. C'est pourquoi la terre n'est pas telle qu'il était prévu qu'elle soit. Tous ses cratères - les météorites qu'ils l'ont frappée, les volcans qui ont fait éruption. Les "êtres Sacrés" étaient désolés de voir que la terre n'étaient pas ce qu'elle aurait dû être. Ils perdaient espoir.
L'un d'eux eut cependant cette idée que nous, les Dineh, nous acceptions de nous manifester de venir sur cette terre. Nous avons dit : "Si c'est le seul moyen d'assurer la survie du monde, alors oui, nous acceptons de nous manifester sur cette terre". L'arc en ciel symbolise ce pacte. Regardez comme il est beau avec toutes ces couleurs. Mais nous avons émis une condition à notre venue sur terre. C'est que nous puissions être vus : aussi nous sommes-nous installés à l'intérieur du périmètre qui délimite quatre montagnes sacrées et qui forme une sorte de hogan. Dedans c'est notre sanctuaire, le sanctuaire d'un peuple particulier qui a reçu une mission particulière.
Ils savent, à travers la grande réserve que les vingt mille montagnes sacrées sont les abris, les maisons des anciens, de ceux qui sont restés là haut. Lorsqu'ils regardent la terre, ils savent que nous sommes là, fragiles comme un morceau de verre. Nous sommes ainsi. »
SAM BEGAY
La langue navajo est la langue maternelle parlée par les Dineh, elle est enseignée dans certains collèges de la réserve. Les traditions orales reposent sur des chants, des prières et des récits que les anciens et les hommes médecine détiennent encore.
La langue navajo fut l'une des langues utilisées par le gouvernement américain lors des deux guerres mondiales (le choctaw, le comanche, le chippewa, le kiowa et le hopi également). Cependant, toute la campagne du Pacifique fut menée par des ordres transmis en code navajo. Dès lors, les cryptographes japonais ne purent déchiffrer les codes de communications américains. Classé « top secret » par le ministère de la marine américaine, ce code reste une création pure issue des Navajos Code Talkers et participe à faire perdurer la défense de leurs propres valeurs tout en restant acteur de l'histoire mondiale.
L'histoire des Code Talkers :
Par un matin du printemps de 1942 deux étrangers à la peau claire marchaient dans les rues de Window Rock, en Arizona, capitale de la nation navajo. Un vieux navajo, adossé contre un mur, les examina lorsqu'ils passèrent devant lui. La réserve était loi de tout terrain militaire. Que venaient faire là ces deux hommes en uniforme militaire ? Il s'avéra qu'il s'agissait de recruteurs pour le corps de marines américains.
Et puis l'attaque de Pearl Harbor au mois de décembre précédent, Philip Johnston, ingénieur californien, suivait attentivement les nouvelles du Pacifique : les cryptographes japonais déchiffraient les codes de communication américains les uns après les autres. L'ennemi avait également des opérateurs radio qui parlaient anglais comme des fermiers de l'Iowa et pouvaient donc infiltrer les réseaux américains, donner des contre-ordres et créer la confusion.
Fils de missionnaire, Johnston avait vécu dans la réserve étant enfant, et il parlait la langue navajo. Il était certain qu'aucun Japonais n'avait vécu suffisamment longtemps dans la réserve pour apprendre ne fut-ce que quelques mots. Convaincu que cette langue demeurerait une énigme indéchiffrable pour l'ennemi, il fit part de son idée aux marines. Au lieu de se servir de codes et de l'anglais comme base, Johnston suggéra que les marines créent un réseau de Navajos qui transmettraient les messages dans leur propre langue. Cela valait peut être la peine d'essayer. Bien que sceptiques, les hauts responsables de Washington donnèrent leur accord pour mettre sur pied un programme expérimental.
Les deux premiers jours après leur arrivée à Window rock, les recruteurs ne virent personne. Le capitaine Frank Shinn alla voir Chee Dodge, premier président du conseil tribal, pour lui expliquer son projet. Le président, persuadé de sa légitimité, donna son accord et la nouvelle se répandit sur ondes courtes dans tous les trading posts de la réserve. La réaction fut immédiate. Shinn et le sergent Paul Andersen commencèrent à interviewer la foule des candidats. En quelques semaines, ils avaient sélectionné les trente hommes qu'ils étaient autorisés à recruter.
Les candidats devaient parler couramment le navajo et l'anglais. Certains des Indiens retenus avaient falsifié leur âge et n'avaient en réalité que 15 ou 16 ans. Ces anciens Indiens de l'armée américaine participent régulièrement aux cérémonies, afin de chasser les mauvais esprits issus du mal être que peut procurer la guerre terminée.
La réserve navajo, située au Sud Ouest des États-unis, s'étend aujourd'hui sur 69000 kilomètres carrés, dans un carré irrégulier de 250km de côté et sur trois états : l'Arizona, l'Utah et le Nouveau Mexique.
La réserve Navajo est située entre 4 montagnes sacrées, chacune représentant un point cardinal : le mont Hesperus pour le Nord, le mont Taylor pour le Sud, le mont Blanca Peak pour l'Est, le mont San-Francisco Peaks pour l'Ouest. La réserve se dessine par la représentation d'une ligne de fer barbelé. Elle reste un symbole de délimitation des conditions de vie mais aussi d'illustration de traits intellectuels profondément différents. Cette frontière directe souligne d'un côté le mouvement du capitalisme et l'importance accordée au pragmatisme d'aujourd'hui et de l'autre, le code de vie finement aiguisé et ordonné du peule Dineh, celui qui place la santé, l'harmonie et la beauté au coeur de sa philosophie.
Vouloir parler des indiens dans l'histoire américaine, c'est se poser des questions délicates du point de vue historique mais aussi philosophique. Combien étaient-ils et comment vivaient-ils avant l'arrivée des colons ? Que sont devenues aujourd'hui les valeurs du partage entre modernité et tradition indienne ? Comment et par qui sont prises en compte leurs difficultés quotidiennes ?
L'une des considérations durables du succès lorsqu'une civilisation en affronte une autre est que le groupe qui remporte la victoire écrit l'histoire. Certains enfants de nos écoles les voient encore vivre peinturlurés et vêtus de peau de daim dans les teepe.
L'histoire américaine fait toujours écho aux lieux incontournables géographique et historique de la mémoire indienne. La présence de celle-ci s'inscrit dans la carte topographique du continent qu'ils nomment, Native American : plus de la moitié des Etats porte des noms inscrivant leur présence. Quelques exemples tels le Minnesota(nom lakota Sioux), il signifie « eau trouble » ; Oklahoma en choctaw veut dire « terre des hommes rouges », Arizona(dérivé du papago) traduit le terme de « petite source ». on doit également le nom de la ville, Seattle à celui du chef indien célèbre et Manhattan aux Indiens Manates.
A la fin du XVe siècle, d'un côté des explorateurs européens, de l'autre, un territoire peuplé de groupe autochtones, puissantes nations indiennes, politiquement et socialement organisées de manière à la fois souple et efficace. Les connus sont Algonquins, Cherokees, Hurons, Iroquois, Mohicans, Abenakis. La guerre entre les Indiens correspond à l'époque à une activité ritualisée, source de utin et de prestige, plutôt que pour un agrandissement territorial. Ils sont à la fois agriculteurs, pêcheurs ou chasseurs, fabriquent des outils, tannent des peaux ce caribou et de bisons et créés ainsi des groupes économiques de l'une et l'autre tribus. Tant que la parité du nombre et des forces rend cette entente souhaitable et nécessaire, du Nord au Sud, les relations entre civilisations européenne et amérindienne se déroulent d'abord pacifiquement.
Les pionniers vont petit à petit découvrir la réalité du pouvoir de ces nations qu'ils nomment « sauvage » et leur ténacité dans la défense du territoire trop vite envahis et convoités. Traités de terres, ventes de fourrures, d'armes, d'alcool, fléau de cette acculturation non mesurable pour les Amérindiens. Pour eux, le bouleversement est total.
Le recensement de l'an 2000 impulse la possibilité de se déclarer en double appartenance. Le métissage est officiellement reconnu, 2,5 millions sont déclarés avoir une appartenance amérindienne et autre.
Animée d'une façon régulière de sacralité par l'originel cordon ombilical de la Terre, Mère de Tous, la réserve navajo est fondée sous un régime gouvernemental indépendant très actif. En ce même temps où les économies d'énergie sont devenues un impératif mondial, ils sont propriétaires des ressources premières, entre autre l'uranium et le charbon et sont bien conscients d'êtres devenues des gardiens de l'environnement, de l'écologie et de l'avenir! La Terre Mère reste en effet une des représentation politique et médiatique puissante reflétée lors de rassemblements tribaux locaux et internationaux. Fortement rattachés à la mémoire collective, orale, tribale et individuelle, la parole de l'Ancien respire l'écoute et les actions menées aussi par les nouvelles générations. Moins sensibles aux notoriétés individuelles, elle soude la vie par la représentation constante de rencontres claniques, participation collective à s'initier au monde mystérieux des cérémonies, des danses et continuent à s'inscrire ainsi dans l'ancestrale révérence à la Terre.
Des difficultés concrètes et émouvantes reflètent les difficultés rencontrées par la réserve navajo : éduquer ses jeunes, protéger les ressources naturelles et préserver l'essence de l'héritage culturel.
Le Gouvernement de la Nation navajo se compose de trois organes : l'Exécutif, le Législatif et le Judiciaire et son siège se situe au centre de la Nation à Window Rock en Arizona. Le Conseil de 88 membres élus par suffrage direct, dont 12 Comités Permanents sert comme conseil d'administration du Gouvernement de la Nation navajo.
La Branche Législative rassemble plusieurs commissions et services qui sont gérés par le Président du Conseil de la Nation navajo.
Le Président élu et son Vice-président sont à la tête de l'organe Exécutif qui se compose de Divisions et de Services. Ces Divisions et Services fournissent une grande sélection de services gouvernementaux aux membres de la Nation navajo ainsi qu'à 'autres résidents de la Nation navajo.
L'organe Judiciaire consiste en un système de 7 tribunaux de première instance, 7 tribunaux familiaux et une Cour Suprême. 110 subdivisions locales du gouvernement, appelées « Chapters », existent à l'intérieur de la Nation navajo.
Le droit inhérent de la Nation navajo à l'autonomie est sacré et démontrable à travers les actions quotidiennes de son gouvernement. En tant que corps gouvernant de la Nation navajo, le Conseil de la Nation navajo est habilité à voter des lois q de la Nation navajo.
Dans le Rapport Sénatorial 100-274, le Conseil du Sénat sur les Affaires Indiennes décrit la politique fédérale actuelle de la façon suivante :
La politique fédérale sur l'autodétermination des Indiens est fondée sur laui égissent la Nation navajo, les membres de la Nation navajo et certaines conduites d'Indiens et de non-Indiens qui ne sont pas membres de la Nation navajo à l'intérieur des ses frontières territoriales.
Tous les organes du Gouvernement de la Nation navajo exercent des pouvoirs variés qui leur sont délégués et l'autorité gouvernementale selon la loi statutaire, réglementaire et commune.
La relation qui existe entre le gouvernement tribal, navajo, et le gouvernement fédéral est significative vu que les États-unis a une relation juridique unique avec les gouvernements des tribus indiennes comme c'est écrit dans la Constitution des États-unis, les traités, les codes, les décret, les lois et les arrêts. Depuis la création de l'Union, les États-unis reconnaît les tribus indiennes en tant que nations domestiques indépendantes sous son égide et affirme la souveraineté relation légale entre les États-unis et les gouvernements des tribus indiennes. Le droit actuel des tribus à gouverner sur leurs membres et leurs territoires résulte d'une souveraineté préexistante limitée, mais pas abolie, par leur inclusion dans les limites territoriales des États-unis. Les pouvoirs tribaux d'autonomie sont reconnus aujourd'hui par la Constitution, par les lois adoptées par le Congrès, par les traités entre les États-unis et les tribus indiennes, par les arrêts judiciaires et par la pratique administrative.»
Un des attributs fondamentaux de la politique fédérale dans les affaires indiennes est la relation de confiance qui existe entre les États-unis et les tribus indiennes. La relation de confiance a été conceptualisée par le Juge en Chef de la Cour Suprême, John Marshall, dans la décision sur le cas de la Nation Cherokee contre l'État de Géorgie, 30U.S. (5Pet) 1 (1831). La relation de confiance actuelle et les principes de confiance articulés lors du jugement en faveur de la Nation Cherokee restent en vigueur aujourd'hui.
Dans le contexte de la Nation navajo, la Cour Suprême des États-unis dans le procès concernant Williams contre Lee, 358 U.S. 217 (1959), a limité l'autorité de la Cour de l'État à se prononcer sur une affaire qui a eu lieu dans la Nation navajo. La Cour Suprême a affirmé que : « Les affaires jugées devant cette Cour ont toujours maintenu l'autorité des gouvernements indiens sur leurs réserves. Le Congrès a reconnu les Navajos dans le Traité de 1868, et continue à les reconnaître depuis.» La Nation navajo compte sur le Traité de 1868, la relation de confiance et la politique fédérale dans ses relations avec les États-unis.
Le thème central de la philosophie Dineh est l'obtention de l'Hozho, ou l'association de beauté, équilibre et harmonie. L'élément de base de cet ensemble complexe de relations est la relation fondamentale entre mâle et femelle présentée par Premier Homme et Première Femme, puis plus tard, par la Femme Changeante et Le Soleil. L'incapacité des deux premiers à s'entendre les conduit à se séparer et introduit le désordre dans le monde ainsi que la création de Monstres Difformes. Seule l'union amoureuse des seconds permet de commencer la lutte conduisant à la destruction des monstres.
L'harmonie ne peut cependant être définitivement assurée sur la Terre que lorsque Femme Changeant et Soleil établissent entre euxune relation de parfaite égalité. C'est à ce moment précis que le peuple Dineh est véritablement créé.
Tous les éléments rapportés à la vie en pays navajo ont un lien direct ou indirect avec l'idée du délicat équilibre Hozho maintenu - ou obtenu - entre les réalités mâle et femelle de toute existence confondue. C'est en cela que la vie est Sacrée et qu'elle incite au respect. Un peuple qui place la santé au coeur de sa philosophie.
Des hommes médecine appelés Hataalis sont les garants de cet état d'être. La mission du Hataali est de veiller à ce que le monde, lorsqu'il perd son équilibre, le retrouve grâce à la mise en scène des Holy People ou Êtres Joyeux. Ces Êtres Sacrés, dont les hommes médecine tracent les contours avec leurs doigts chargés de sable, renvoient non seulement la notion de mémoire, à celle de transmission cérémonielle, que conserve avec difficultés le peuple Dineh.
Ils expliquent : « la maladie n'est pas une punition et ne répond à aucune culpabilité raisonnée par la désobéissance. Dans cette affaire, ce n'est ni paradis ni enfer, ni commencement ni fin. Les mots « religion et art » ici n'existent pas. Nous voyageons entre mythes, tradition et réalité et ce trajet nous mène à la conception d'harmonie avec la Terre Mère. »
Les réponses que cherchent les Navajos ne sont pas fondées sur les biens de consommation, mais sur ceux de la préservation de la Terre abritant un univers qu'ils connaissent qu'ils apprécient et qu'ils aiment : « les montagnes sacrées ne veulent pas que l'on construise quoi que ce soit à leur sommet, parce que chaque montagne a son chant de sommet. Avoir un chant de sommet signifie que ces montagnes sont des êtres Sacrés. Des êtres existent dans les rochers, dans les montagnes et dans les profondeurs de la Terre. Les rochers ne sont pas habités par de simples esprits ; il se trouve que ce sont les formes intérieures concrètes d'être qui portent ces vêtements de pierre que l'on peut photographier. »
« Rester vivant, en création, disent les Hataalis, ne saurait vouloir dire adopter une certitude craintive. Ce n'est pas nécessairement vivre sans prise de risque, à l'abri dans une bulle, dans la crainte de tout changement, de toute évolution, autrement dit la vie. » La culture navajo semble dire qu'il est possible de vivre, d'oser vivre, que rien ne viendra nous punir! « On peut s'éloigner de l'état Hozho si l'aventure le réclame, mais on peut aussi y revenir. Les Êtres Sacrés ne nous en voudront pas. Vivez, ne perdez jamais complètement votre pouvoir de guérison. Vivre ce n'est pas tout faire pour tomber malade. Non ! Vivre c'est avoir la capacité de guérir au moment voulu ! »